L'Ecotaxe Poids Lourds, suspendue depuis l’automne 2013, a fait l’objet de beaucoup de débats voire même de révoltes. Aujourd’hui elle revient au-devant de l’actualité avec de nouvelles propositions.
Au vu des investissements fournis, l'abandon de la taxe n'est pas envisageable pour l’État car trop coûteuse. C’est pourquoi, après 6 mois de délibérations, la mission d’information parlementaire sur l’écotaxe vient de publier son rapport comprenant 13 propositions d’amélioration afin de sauver le dispositif.
La ministre de l’écologie, Ségolène Royal, avait pourtant pris les devants le 15 avril dernier en annonçant 2 pistes, à l’époque envisagées, pour remplacer l’écotaxe :
- La première mettait à contribution les sociétés autoroutières afin de forcer les camions étrangers à emprunter les autoroutes à péages.
- La seconde mettait en place une vignette, un peu comme en Suisse, payée par les transporteurs étrangers afin de pouvoir traverser le pays.
Cependant, aucune des annonces faites par la ministre n’a été incluse dans le rapport du 14 mai dernier.
Jean-Paul Chanteguet, député socialiste et président de la mission d’information insiste sur le fait que : « L’écotaxe n’est pas un impôt supplémentaire qui relèverait de l’écologie punitive mais bien une redevance d’usage de l’infrastructure routière ». C'est un aménagement du système indispensable au développement des infrastructures de transport. C’est pourquoi le dispositif a été rebaptisé « éco-redevance poids lourds », une manière de « re-légitimer » le dispositif avec une dénomination conforme à ses fondements.
Les 13 propositions du rapport
- Proposition n°1 – Renommer le dispositif en « éco-redevance poids lourds ».
- Proposition n°2 – Instaurer une franchise mensuelle de l’éco-redevance, sans discrimination de secteur ou de nationalité, afin de ne pas pénaliser les petits utilisateurs de courtes distances.
- Proposition n°3 – Renforcer la communication et la pédagogie pour redonner du sens aux objectifs de l’éco-redevance.
- Proposition n°4 – Organiser une marche à blanc nationale et obligatoire.
- Proposition n°5 – Renforcer la prise en compte du principe pollueur-payeur en accentuant la modulation des taux de la redevance .
- Proposition n°6 – Permettre aux transporteurs en compte propre de faire figurer en bas de facture les charges supportées au titre de l’éco-redevance.
- Proposition n°7 – Soutenir le secteur du transport routier de marchandises et créer un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds.
- Proposition n°8 – Maintenir le barème national de la redevance au taux moyen de 13 centimes d’euros par kilomètre, et fixer des règles prévisibles et contraignantes d’évolution future.
- Proposition n°9 – Adapter la mise en oeuvre du dispositif de majoration forfaitaire aux spécificités de certaines activités économiques.
- Proposition n°10 – Simplifier les procédures d’enregistrement des redevables auprès du prestataire commissionné.
- Proposition n°11 - Prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes particulièrement sensibles ou accroître l’éco-redevance sur certains axes pour lesquels le report modal ou autoroutier est facilité.
- Proposition n°12 – Exonérer les poids lourds immatriculés en « w garage », les poids lourds de collectionneurs et les véhicules de formation ou de conduite école.
- Proposition n°13 – Revaloriser le travail des contrôleurs de transports terrestres
Une franchise kilométrique mensuelle
La principale proposition des députés de la mission est d’instaurer une franchise kilométrique mensuelle.
Cette franchise permettra aux camions de rouler gratuitement sur le réseau routier assujetti à l'écotaxe, les 281 à 844 premiers kilomètres, par mois. Ce nombre de kilomètres variera en fonction du poids du camion et de ses émissions polluantes.
Ces distances seraient multipliées par deux en Bretagne et par 1,4 pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées.
Le principe de ce dispositif favorise les véhicules « vertueux » (exemple : véhicules Euro 5 EEV, Euro 6, électriques...) et les moins dommageables pour la route. A plus long terme, l'objectif est d'inciter les entreprises à renouveler leur parc de véhicules avec des moyens de transport plus « propres ».
En complément du dispositif, un fonds de modernisation serait créé pour aider ces entreprises à investir dans des camions moins polluants voire des véhicules électriques.
Baisse du taux de majoration
Cette nouvelle franchise kilométrique mensuelle aurait comme incidence d'abaisser les répercussions aux chargeurs de 25% par région. Les taux de majorations tomberaient donc en moyenne de 5,2% à 3,2%.
Conditions favorables
En outre, les abattements tarifaires prévus dans le précédent système pour les régions périphériques, Bretagne, Aquitaine et Midi-Pyrénées, seraient donc conservés. Il en va de même pour les exonérations imaginées pour certains véhicules.
Autre point positif, les procédures d’enregistrement des redevables auprès de SHT (Sociétés Habilités de Télépéage) seraient simplifiées.
Mise en place
Le rapport prévoit une marche à blanc obligatoire, mise en place pour l’automne 2014 afin que l’éco-redevance poids lourds soit effective dès janvier 2015.
Ségolène Royal reste pourtant sceptique sur les délais accordés et déclare que la mission parlementaire « part du principe que l’écotaxe va être appliquée. Moi je pense le contraire ».
Ce sont les transporteurs qui, désormais, proposent des contre projets à l'écotaxe, comme le projet de Bruno Robert : "Eco-Max PL", ou Yves Fertil avec sa taxe Suisse ou encore celui de Philippe Mangeard.
Face à ces idées naissantes Nicolas Paulissen, délégué général de la FNTR, dénigre les propositions des professionnels du TRM en déclarant : "toutes ces initiatives sabotent le travail des fédérations patronales : on commence déjà à entendre des députés qui affirment que le TRM est favorable à ce dispositif. Tout cela ne va pas dans le sens voulu par Ségolène Royal qui a prôné la suppression de l'écotaxe".
La décision est dorénavant entre les mains de l'État, tandis que les différents acteurs professionnels des métiers de la Route et les politiciens abordent déjà de nouveaux débats.
Dans un communiqué du 28 mai dernier, les trois associations, TLF, FNTR et UNOSTRA déclarent être en accord avec les conclusions de la mission d'enquête sénatoriale puisqu'elles confirment ce que la profession dénonce depuis toujours : "la complexité d'un dispositif conçu sans prise en compte de la réalité des entreprises".
Les trois syndicats énoncent leur contrariété justifiée sur la situation actuelle : "les entreprises de transport routier ne peuvent affronter à la fois la crise économique, les conditions de concurrence déloyale et l'instabilité fiscale permanente".